Le jours où ça ne tient pas.
Je ne vois pas beaucoup d’utilité de montrer des postures mal faites même si cela peut avoir un certain intérêt éducatif. Vous avez peut-être parfois l’impression que mes postures sont toujours parfaites…
Il se trouve que la pratique de la majorité des gens qui postent leurs exploits sur Instagram n’est pas idéale. La mienne y compris. Des chutes, des grimaces qui tordent le visage, un alignement imparfait, des choses que l’on fait de manière incorrecte sans même le savoir. Une pause que l’on prend à cause d’un étourdissement passager, jusqu’à parfois l’envie de s’arrêter de de passer directement à savasana. Plein de photos ratées qui ne trouveront jamais leur place ici. Bien sûr, c’est plus « prestigieux » de chuter depuis un équilibre sur les mains que depuis la posture de l’arbre mais ça m’arrive aussi.
L’essentiel est de cesser de déprécier tout autant que de glorifier la pratique d’un tel ou une telle.
Je ne parle pas d’un commentaire gentil qu’on adresse parfois à quelqu’un qui réussit une posture ou d’un petit encouragement donné à une autre personne dont on veut féliciter les progrès. La sincère gentillesse est toujours sans faute et on est tous sensible à la beauté des choses. Je parle plutôt d’une attitude générale qui s’appuie sur des illusions et sur notre obsession commune pour la pratique physique.
Instagram ne pourra jamais montrer combien de travail et d’application ont été nécessaires pour parvenir à exécuter certaines asanas avec un esprit calme et présent. Ce sont parfois des années de travail, le long dénouement du corps et l’étude qui accompagne la pratique personnelle. C’est là qu’on acquiert cette connaissance profonde qu’on ne pourra pas obtenir en quelques workshops ou en quelques semaines de formation professorale.
Pourtant, on se laisse aussi aller à pratiquer l’opposé de cela. On poste une position simplement pour impressionner la galerie et donner une bonne image de soi. Mais des fluctuations de notre forme physique, on préfère ne pas en parler. Ni même des difficultés qu’on rencontre en tant que femme à maîtriser certaines positions qui demandent de la force et qu’un homme fait plus facilement. Ou du défi que représente le fait d’amener les jambes derrière la tête si on n’a pas les jambes suffisamment longues et que la structure de nos hanches ne permet pas la rotation externe adéquate alors qu’on voit partout les yogis avec leurs jambes derrière la tête. On ne trouve jamais une note au bas d’un post qui dit : « cette photo n’est là que pour valider mon égo en tant que pratiquant ou professeur » ou bien « c’est parce que j’ai fait de nombreuses années de gymnastique quand j’étais enfant que mon équilibre sur les mains est toujours stable et je vous fais croire que vous pouvez y arriver en quelques jours ». Jamais non plus : « je viens de me faire mal en essayant vingt fois la position pour la photo mais le résultat final est parfait. »
Pour commenter cette vidéo, je ne pensais au début n’écrire que : « le jour où ça ne tient pas ! ». Mais j’ai laissé mes pensées vagabonder afin de mieux me comprendre moi-même. Peut-être qu’en étant parfaitement détachée des choses que j’évoque, je ne serai pas sur les réseaux sociaux, je n’aurais pas ce besoin de poster des postures plus ou moins avancées. Je trouverais un autre moyen pour faire connaître aux gens où et quand j’enseigne.
Cependant, le bon sens me dit aussi que si la plus grande partie de mon enseignement consiste à enseigner aux autres comment faire des positions de yoga et par le biais de ces postures à cultiver la présence consciente, croire à leurs pouvoir thérapeutique et transformateur, ça justifie de montrer ces quelques images. Prenons-les pour ce qu’elles sont et rien d’autre.